Septembre

Vendredi 1er septembre
Une rentrée en douceur pour moi. Je partage le nid d’Heleen, dans la résidence d’Eurotel, jusqu'à demain matin.
Pour résumer nos visites dans l’Hérault : passage sur la plage entre Sète et Agde, déserte, de grosses vagues et un peu de soleil pour nous sécher ; visite du cirque pierreux de Mourrèze, qui doit sa beauté au temps érosif ; petit tour au lac du Salagou (lieu fréquent d’amusements de mon enfance) au sein des terres rouges (rouilles plus exactement) et découverte insolite du village ruiné de Celles. L’explication m’est donnée par un monsieur averti : après la guerre, lors de la construction du barrage qui donna naissance au lac, des ingénieurs futés déclarèrent la commune vouée à l’engloutissement sous les eaux.
Finalement, après avoir volontairement commencé à démolir les habitations, le beau monde diplômé révisa ses prévisions : la localité subsistera... vidée de ses habitants et avec un nombre considérablement amoindri de toits intacts. Depuis, une route qui s’y achève et une curiosité pour les badauds.
17h47. Je travaille sur les ouvrages au programme des étudiants et le bruit des motards m’emmerde. Pourquoi, alors qu’on s’évertue à rendre les voitures de plus en plus silencieuses, laisse-t-on les deux-roues motorisés polluer le silence potentiel ? Invraisemblable illogisme, pseudo privilège d’une caste qui se
croirait plus virile que les autres par le tintamarre imposé ? Et encore un trouduc péteur ! J’enrage... Attendre, toujours attendre pour que l’homme évolue vers un mieux-être... En l’espèce, j’ai le sentiment d’un insondable infantilisme toléré... Pensez donc : quelle couille molle il faut être pour défendre la moto silencieuse !
Encore une dernière note d’enragé : quel dommage que le tir aux motards soit interdit, car ils pullulent sur l’avenue de la Porte de Lyon...

[E-mail à Isabelle T.]
Samedi 2 septembre
Objet : Coucou !
A-y-est !!! je suis de nouveau un célibataire non endurci... Ma chère Heleen s'en est allée ce matin...
J'attends le petit texte d'introduction que je dois faire figurer au début de mon Journal (oublié à Fontès et que ma grand-mère m'expédie aujourd'hui) avant de t'envoyer le tout par e-mail...
Malheureusement, Sylvie ne m'accompagnera pas... son petit ami ne serait pas d'accord...
Bisous. A bientôt. Loïc.

Dimanche 3 septembre, 0h15
De retour dans mon Q.G. lyonnais pour une nuit en célibat retrouvé. Mon Sheaffer retrouve ici ses tracés appréciés pour évoquer le tout-venant cérébral... Faire simple... je peine à m’exécuter.
Heleen est partie hier matin, après m’avoir déposé rue Vauban. Une entente parfaite qui s’interrompt par la force des destins projetés pour chacun. Malgré cette complicité, j’ai senti sur la fin, en moi, le germe d’une insatisfaction indéfendable. Un tempérament de m... que le mien, j’en conviens. Je mérite ma situation matrimoniale.
Encore une grande messe footballistique ce soir, occasion de verser quelques larmes pour les « départs en retraite » de l’équipe de France des Blanc et Deschamps. Le peuple a bien exulté...
Je dois me discipliner, dès demain, pour tous mes travaux en suspens. Un dimanche consacré à l’index de mon Gâchis, avant un début de semaine pour préparer le stage de rentrée des pharmacies.
Reçu, hier matin, une carte de la famille F. expédiée le 20 août de Grèce (ou Crète) avec un mauvais numéro de rue, et des nouvelles de mon amie Marianne D. de B., à Londres, fiancée et de passage à Paris le jour de mon anniversaire... Sera-t-elle disponible pour une entrevue ? Elle semble avoir trouvé bonheur et épanouissement. Je lui donnerai quelques nouvelles par écrit. Notre rue Mouffetard partagée m’apparaît bien lointaine...
J’ai retenu un smoking, pour mon départ à Monte-Carlo, dans une vieille enseigne spécialisée dans le costume de théâtre. J’espère ne pas faire trop clown.

Lundi 4 septembre, 0h15
Vu hier soir, dans Zone interdite, un reportage sur la Jet Set dont un film a
tourné les pratiques en dérision. L’un des co-scénaristes, un certain de Brante, appartient au milieu et s’est portraituré par l’intermédiaire de Lambert Wilson. La réalité des Saint-Tropez, Monaco et Monte-Carlo n’a rien à envier à la fiction : ce microcosme de la « futilité », comme le revendique une emperlousée entre deux vautrements, égrène ses soirées pailletées d’or fin et d’esprits gras. Entre les vrais friqués, les incrusteuses adroites et les entre-deux qui ont l’air, la superficialité campe sans faiblir.
Avec ses vingt kilos de trop, Maximo a bien réussi dans cet univers : napolitain de souche modeste, mais avec une belle gueule et une silhouette alors musculeuse, il s’est tapé quelques vieilles sacrées comme Greta Garbo (70 ans) et s’est construit un carnet d’adresses sans égal. Serais-je passé à côté de quelques pistes ? Je préfère mon retrait du monde à ces mascarades fêtardes. La médiocrité fondamentale sue de tout cela.

Mardi 5 septembre
Bientôt une heure du matin. Poursuite de l’élaboration de l’index du Gâchis. Travail fastidieux. J’envoie le fichier en e-mail à Isabelle T. et à mon père. Martine S. doit me communiquer le sien pour recevoir mon texte. Pour un gros fichier comme celui-là (2 400 000 octets environ) il faut un temps important pour le faire transiter par la ligne téléphonique. Mais quel progrès tout de même !
Rentrée de douze millions d’élèves, moi je retrouverai mes quatorze étudiants en pharmacie mercredi pour le stage de rentrée. Il me semble que les effectifs de Galien baissent, dans cette section tout au moins.
Je manque d’entrain pour pas mal de travaux qui m’attendent.
J’ai faxé ce jour mon projet d’introduction du Gâchis à Heïm. Envoi de quelques courriers promotionnels pour Hisloc.

[E-mail à Heïm]
Mercredi 6 septembre
Objet : Re : Réponse fax introduction
Cher Heïm,
Je t'envoie mes plus affectives pensées pour les douleurs que tu dois endurer et pour les épreuves hospitalières qui t'attendent.
Pendant ce mois je vais essayer de corriger tous les passages excessifs sur les hommes publics, ainsi que les effets outranciers gratuits... L'introduction convenait-elle ?
Je t'embrasse très fort.

Jeudi 7 septembre, bientôt 1h du matin
Dans quelques heures, coup d’envoi d’une nouvelle année à Galien (ma troisième saison). A ce propos, une petite anecdote : Monsieur G., le directeur du centre de Lyon, a cru qu’Elo F., que je faisais travailler sur son oral de français à l’Institut, était ma petite amie. « Une très jolie jeune fille » a-t-il dit à Laurence qui m’a révélé l’info. Cette chère Laurence, elle sérieusement fiancée, semblait intriguée (et peut-être séduite) par la personnalité découverte dans quelques pages du Gâchis.
Grand décalage entre l’image que je laisse transparaître et ma vraie texture.
Toujours de l’hystérie dans les films de Zulawski. J’ai La femme publique en fond, et les cris règnent sans partage.
E-mail de Heïm qui va très mal physiquement (de grosses douleurs dans les mains et des apnées nocturnes). Hospitalisation prochaine à Reims. Il m’annonce que François R. a lu le Gâchis et qu’il trouve des passages excellents (notamment l’échange avec Sandrine) mais serait pour des coupes franches, notamment les outrances envers des personnages publics. Heïm pense lui qu’il serait dommage d’amputer ce Journal. Je vais essayer de retravailler ou de corriger les passages concernés.
Lionel Jospin a mis un point d’arrêt à la pratique de la concession systématique sous la pression violente. Le blocage des dépôts de pétrole en France risque d’atteindre l’économie en plein cœur. Les chars seront-ils envoyés sur les lieux pour débarrasser les entrées des poids lourds, tracteurs, ambulances ? Les pays de l’OPEP tiennent entre leurs barils la bonne santé et l’existence même des pays développés.

Vendredi 8 septembre, 0h01
Big Media étoffe ses journaux pour traiter les blocages tous azimuts. La journée de jeudi aura été le point d’orgue des revendications aux quatre coins de la France.
Je m’exile aujourd’hui loin du tintamarre ambiant, à Monte-Carlo. Shue a répondu à mon e-mail pour me préciser les heures et lieux de rendez-vous. Treize heures de train en deux jours et demi, de multiples frais engendrés, il faut que ce soit Shue pour que je fasse tout cela.
Le patron des patrons, la F.O. et la C.G.T. condamnent tous trois l’action des dirigeants d’entreprises de transport. Les motifs divergent bien sûr.
Pendant cet engluage national, se déroule à Lyon un sommet essentiel sur l’effet de serre : le rapport de synthèse conclut à l’élévation jusqu'à cinq degrés de la température au cours du XXIe siècle, ce qui signifie pour l’Europe (la France et les Pays-Bas notamment) l’engloutissement de morceaux considérables du territoire, mais également la disparition d’îles peuplées. L’individualisme égoïste règne en maître et ne donne aucun espoir de voir changer les habitudes dans les modes de déplacement. Le véhicule individuel garantit le confort d’une bonne partie de la population, mais contribue à la possible survenance de catastrophes majeures.

Lundi 11 septembre
Malgré les seize heures de train en trois jours, grève et retards compris, le
séjour à Monaco restera comme une parenthèse de magnificence. Le vendredi soir, après un nettoyage exprès à mon hôtel, je retrouve au Bar américain de l’hôtel de Paris une trentaine de personnes parmi lesquelles ma chère Shue, John et Alise, une charmante avocate new-yorkaise avec qui le contact s’avère très complice. Quelques-unes parlent le français, et notamment trois jeunes femmes qui logent dans le même hôtel que moi. Un début quelque peu calme qui s’achèvera au Jimmy’s, boîte au décors de nature splendide et à 250 F le verre de soda.
Après un samedi après-midi à la plage, je retourne à l’hôtel de Paris, en smoking, pour la cérémonie d’union dans le salon Debussy (avec harpe et violon). Décors feutré, mariée resplendissante... Le repas qui suivra, dans l’impressionnante salle Empire, confirmera l’extrême élégance conviviale de l’organisation. Shue a eu la délicatesse de me mettre à une table où l’on parle le français, avec des têtes familières. Notre tablée (la Caring, Shue les ayant baptisées d’une qualité fondamentale du mariage parmi lesquelles je me souviens de l’évident Love, mais aussi Compromise, Honesty...) est la plus proche de celle des mariés. Un orchestre de jazz agrémente la soirée : les danses s’improvisent à la fin de chaque plat. La salle Empire est somptueuse et ouvre sur une terrasse gigantesque d’où l’on aperçoit le casino. Les gens qui passent en contrebas semblent nous regarder avec envie. Avant le dîner, le cocktail nous avait permis de découvrir les jardins de l’hôtel, face à l’étendue méditerranéenne. L’occasion de discuter avec quelques charmantes jeunes femmes, dont l’adorable Alise. Lors de ma présentation des félicitations aux mariés, Shue et John m’ont chaleureusement remercié de ma présence, et une photo a immortalisé l’instant.
Après le copieux repas et ses multiples interruptions dansantes, les plus vaillants rejoignent à nouveau le Jimmy’s, boîte fréquentée par les Grimaldi.
J’ai profité de ce séjour sans temps mort et sans poussée misanthropique. La qualité des lieux et des gens m’a préservé des dérives habituelles de mon caractère cyclothymique.
Envoi ce jour d’un e-mail aux jeunes mariés pour leur témoigner mon ravissement. J’ai également répondu à Heleen qui vient d’ouvrir un e-mail. Envoi d’une carte à Sandre pour son anniversaire du douze et à Heleen pour celui du dix-sept.
Très descriptif comme écriture, trop peut-être, mais je devais conserver trace de ces moments d’exception.

[E-mail à Heleen D.]
11.09., 13h48
Objet : Coucou de ton lyonnais préféré !
Ma chère Heleen,
Ravi de pouvoir te lire. Je suis revenu hier soir de Monaco, enchanté. Beaucoup d'heures de train, avec des perturbations, mais un séjour magnifique et une réception d'excellence dans l'hôtel de Paris, tout à côté du Casino. Une salle de réception de style empire, un orchestre, une terrasse de rêve et des gens charmants. Shue était splendide... enfin tout s'est déroulé à la perfection, et j'ai fait le plus bel effet, je crois, dans mon smoking... Je devrais avoir des photos. J'essaierais de m'équiper d'un scanner pour t'en envoyer par e-mail.
J'espère que ton travail chez le généraliste sera plus intéressant. Je t'embrasse, te frôle, te goûte partout...
A te lire. Avec de profonds baisers.

[E-mail à Shue et John C.]
11.09, 14h02
Objet : Merci à vous deux !!!
Chère Shushu, cher John,
Quel enchantement que ce séjour ! J'ai été très honoré d'assister à votre magnifique union. Une soirée d'exception à cet hôtel grandiose avec des gens tous plus charmants les uns que les autres.
(...) Je dois recevoir un courriel d'Alise, l'avocate de New-York, que j'ai trouvé adorable et très attachante.
En revanche, j’aurais aimé envoyer un e-mail ou un courrier à deux personnes à qui j’ai oublié de demander leurs coordonnées : la charmante demoiselle qui vous a fait vous rencontrer, et une grande et fine jeune femme blonde de Zurich avec qui j’ai pas mal discuté... Si vous pouviez me les communiquer...
J’attends avec impatience de voir les photos et film de cet inoubliable mariage. Merci de ce que vous êtes, merci Shushu de me compter parmi tes amis. Que votre bonheur soit à l’image de l’harmonieuse soirée que j’ai vécue avec la plus totale gourmandise.
Avec ma plus vibrante affection pour vous deux.
A très bientôt.

Mercredi 13 septembre, 1h10
Retour de Christophe Dechavanne dans une forme olympique pour une nouvelle
série de Ciel mon mardi ! Premier sujet sur le féminisme et les Chiennes de garde qui combattent toutes les formes d’insultes et de violence contre les femmes publiques. Les débats bruyants en direct manquaient sur les ondes tv.
Le hasard veut que demain je donne à mes étudiants en médecine, lors du stage de rentrée, un sujet sur la différence des sexes et ses implications.

[E-mail à Heleen D.]
Samedi 16 septembre, 11h53
Objet : j.o.y.e.u.x. a.n.n.i.v.e.r.s.a.i.r.e.
Une très joyeuse vingt-neuvième année, qu’elle t'apporte tout ce que tu espères.
Ma rentrée pour les pharmacies et médecines s'est bien déroulée. Je redonne quelques cours particuliers et j'avance dans la mise au point de mon index.
J'ai entendu que les Pays Bas avaient suivi le mouvement de grogne contre le prix des carburants ! Cela a-t-il des conséquences pour l'approvisionnement ?
Je t’embrasse tendrement.

Lundi 18 septembre
Les semaines défilent et je ne donne aucun signe de sursaut existentiel. Les quelques distractions que je m’accorde dissimulent de moins en moins l’inanité de ma trajectoire. Avec ou sans enthousiasme, la vie passera, de toute façon.
Revu Sandre samedi soir pour un agréable dîner partagé aux Cigales, restaurant provençal sis dans le sixième lyonnais. La veille, rencontre d’une jeune fille de 21 ans avec qui la complicité s’est vite révélée. Je garde toutefois un sentiment
d’insatisfaction : pas la femme du reste de ma vie donc...
Le référendum pour la réduction du mandat présidentiel ne passionne guère. Pasqua, reçu au JT de la Une, stigmatise les gourdes de Jospin-Chirac et se place, avec une certaine jubilation, dans le camp des non. Depuis qu’il a viré le turbulent de Villiers, il peut exercer son omnipotence faconde et son gaullisme méridional.
L’Institut Galien s’implante encore un peu plus avec l’ouverture d’un centre à Clermont-Ferrand. A Lyon, Freddy G. laisse sa place de directeur à Mme H. et investit de plus rémunératrices fonctions, je présume. Voilà une carrière rondement menée, au contraire de moi qui végète. Pour qui, pour quoi me ferais-je ch..., pour moi ? Je n’en vaux pas la peine.

Mardi 19 septembre

Hier, une reprise de contact inattendue. Alors que je finalise mon index, nouvelle tentative (la première de l’année 2000, sans doute) pour avoir Nadette au téléphone. Après communication automatique de son nouveau numéro, je l’ai au bout du fil. Elle semble très heureuse de m’entendre, m’assure qu’elle n’a rien contre moi, et me résume ses quatre dernières années (notre dernière entrevue remonte à 1996, lors de son mariage). Je fais de même et lui promets de venir la voir dans sa cambrousse. Elle doit soutenir prochainement sa thèse (elle s’est mise en suspension plusieurs années de suite car, lorsque je l’ai rencontrée, elle travaillait déjà sur son sujet).
Je poursuis la réécriture des passages du Gâchis gratuitement féroces sur des personnages publics. Pas une grande concentration de cours à donner cette semaine. Les rentrées financières en sont d’autant plus reculées. J’espère que la vacation à l’université Lyon III pourra bien se faire...
L’esprit lourd et vide, je ne quête plus rien et même les rencontres réalisées (Heleen, et plus récemment Stéphanie) ne me mobilisent pas plus que pour les instants partagés. J’étais au Purgatoire en 1994 et 1995, me voilà en sursis face au temps qui s’écoule sans que je ne construise rien, ni pour moi, ni pour les autres. Mon isolement volontaire a des allures de renoncement définitif. Même ces pages, je dois me forcer à les salir de mes incongruités, sous peine de vraiment sombrer dans le néant au quotidien.
Les jeux olympiques de Sydney (là où Lucien, le demi-frère de ma mère, est mort du Sida : gentil homosexuel qui, à Viroflay, m’avait offert ma première montre, une Kelton conservée dans un carton au château) débutent très favorablement pour les Français. Au troisième jour, avec douze médailles, nous culminons à la deuxième place, juste derrière les Etats-Unis. L’enthousiasme qui règne chez les sportifs contraste avec mes remugles nauséeux.

[E-mail à Heleen D.]
Mercredi 20 septembre, 20h37
Objet : Nouvelles de Lyon
Chère Heleen,
J'espère que tu as été bien fêtée pour tes 29 printemps !!!
Tu as reçu mon mot par e-mail, mais as-tu bien reçu ma carte par la poste ?
Vous avez un nageur du tonnerre !!! As-tu vu ses exploits ? Et toi, côté sport, comment cela se passe ?
J'ai fini mon index et je poursuis la correction des passages outranciers.
Je t'embrasse très fort.
Jeudi 21 septembre
Premier cours de philosophie donné à Elo. Ravi de la retrouver. Remontée à bloc pour obtenir une mention bien à son bac, elle souhaiterait s’installer à Paris, l’année prochaine. Encore une bouille attachante dont je serai séparé.
Début de lecture du manuscrit de Jacques L., père de l’élève que j’ai suivi cet été. L’amour selon Sainte Albe narre, dans une langue presque précieuse et métaphorique à outrance, la destinée de cette étoile envoyée sur terre pour y diffuser l’Amour et qui aura un enfant de Jésus. Je remettrai mon rapport d’analyses et d’appréciations avant la fin octobre. Travail rémunéré bien sûr.
Reçu aujourd’hui le catalogue 2001 de la collection MVVF. De plus en plus impressionnant. Et moi qui ai lâché ce grand’ œuvre. Le papier utilisé pour les rééditions, et normalement pour mon Gâchis, offre un toucher et une couleur de grande qualité.
Vendredi, je dois voir le conservateur du fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon pour obtenir le prêt d’un ouvrage sur le Berry du XVIIe siècle.
Dernière nuit passée avec Stéphanie à qui j’ai précisé ma position sur la teneur et le devenir de notre rapport. Elle semble avoir apprécié ma franchise et désire poursuivre notre relation d’amants.
Un e-mail d’Heleen qui me résume ses derniers jours, des photos de moi adressées par Mme C. qui me renouvelle son invitation à venir chez eux, et deux photos du mariage de Shue expédiées par Shirine, une de ses amies basées à Paris. Cela bouge donc autour de moi, mais je me sens de plus en plus vide. La répétition des erreurs et la désillusion sur mon parcours à venir assèchent l’âme et le cœur.
La rançon de cette indépendance-isolement tient dans l’anéantis­sement de toute carrière professionnelle et dans une très improbable construction familiale. Je me comporte de plus en plus comme un témoin déformant du monde alentours, prenant çà et là quelques menus plaisirs, mais fondamentalement éteint. Tant que j’assumerais ma survie minimale, je pourrais illusionner (« peut-on se mentir à soi-même ? » : sujet de dissertation philosophique que j’ai proposé aujourd’hui à Elo !) sur mon statut social, mais si cela se révèle également éphémère, je n’aurais guère de voies dignes...
Une qui doit en avoir gros sur la patate : la caractérielle Marie-Josée Pérec, rentrée en catimini en France après une pseudo agression dans son hôtel (elle snobait la délégation française et son joli coin de nature où elle aurait été en sécurité). Big Media se défoule et tire à boulets rouges sur la triple (ou quadruple) championne olympique. TF1 en fait même son premier titre, avant le témoignage posthume de l’organisateur du financement du RPR à Paris qui met Chirac directement en cause.
Un peu systématique mes pages de lamentations. Il faut que je redonne un souffle à cette écriture qui suit docilement les inanités de mon psychisme.

Samedi 23 septembre
Magnifique exploit du judoka français David Douillet : il devient le plus titré de
l’histoire de ce sport (détrônant un japonais légendaire dont le nom m’échappe). Ce qui est surtout exemplaire tient dans la détermination à se reconstituer un potentiel physique en deux mois après de graves soucis et un arrêt de toute compétition pendant plus d’un an. Etre un douillet ne peut plus vouloir dire aujourd’hui que posséder une foi et un courage hors norme.
L’impressionnant bonhomme ne manque pas non plus de finesse. Lorsque la consultante en judo, de France Télévision, lui demande la confirmation que ce jour d’obtention d’une deuxième médaille d’or olympique constitue le plus heureux de sa vie, il reste lucide dans la relativisation des événements, et place la naissance de ses enfants au-delà de la consécration sportive.
Reçu, vendredi, une lettre enflammée de Heleen avec quelques photos prises à Lyon et lors de notre séjour à Fontès. Elle pourrait venir me voir du 14 au 22 octobre. Je serai malheureusement occupé et je ne pourrai pas repousser mes obligations, d’autant plus que cette rentrée n’est pas trop synonyme de renflouement des caisses jusqu'à présent.

[E-mail à Martine S.]
Dimanche 24 septembre, 19h52
Objet : Envolée lyonnaise
Chère Martine,
Ravi de pouvoir vous lire. J’espère que vous allez bien et que vous vous délectez de votre bonheur charnel. Je dois taper des modifications pour mon Journal pamphlétaire, et je vous l’enverrai par ce biais, après.
Au plaisir de garder intense cet échange. Racontez-moi tout ce que vous voulez.

[E-mail à Heleen D.]
24.09 à 19h58
Objet : Sur ta venue...
Ma chère Heleen,
Je serais bien sûr très heureux de te voir, mais je risque d'être occupé, ne pouvant me permettre de laisser passer des cours à donner (mon mois de septembre a été très juste financièrement). D'ors et déjà je suis pris de 18h30 à 20h30 à l'institut Galien les lundi et mercredi soir, ainsi qu'un cours mercredi après midi et vendredi soir.
Cela m'ennuie donc que tu fasses un si long voyage pour que je ne puisse que partiellement me consacrer à toi... mais ma porte est grande ouverte bien sûr.
J'ai été très touché par ton courrier, mais je ne veux pas que tu t'occultes ton sentimental par mon souvenir, et d'autant plus si tu viens me voir.
Je t'embrasse très fort.

Lundi 25 septembre
Encore une semaine à écouler en assurant le minimum vital.
Les affaires reprennent dans le monde politique : la cassette Mery, divulguée 18 mois après la mort du financier du rpr, déballe tout le mécanisme de financement et met en cause J. Chirac lui-même. Rebondissement du jour : dsk, ancien ministre de l’économie et des finances, a eu une copie entre les mains, mais ne l’a pas regardée et l’a même égarée. D’un réalisme à faire frémir. Comment s’étonner du recors d’abstentions au référendum pour le quinquennat
adopté largement par les rares votants ?
Côté perso : un très agréable dimanche chez les C. et quelques entrevues avec Stéphanie.

Jeudi 28 septembre
Mon temps est très compté. Une surcharge de travail probable, à l’Institut Galien, si je suis chargé de la philosophie pour préparer les étudiants (Bac + 3) au concours du crpe.
Vu Elo ce jour pour un cours de philo. Une toujours aussi joyeuse complicité. Elle me révèle des choses indévoilables (j’ai tenu ma promesse !)

Vendredi 29 septembre
Une véritable déliquescence au RPR. Avec Alliot-Marie à sa tête et les affaires bouseuses à ses pieds, le parti gaulliste n’est pas gâté. Plus aucun entrain pour mettre un véritable coup de pied dans cette malodorante tanière.
Ce soir, je vais déguster le dernier Kassovitz avec Stéphanie.

1 commentaire:

Loïc Decrauze a dit…

Et bien cela ne fait que viser l'imagination, la coquinerie, la prédisposition charnelle d'une jeune femme respectable.