Octobre

Lundi 2 octobre
Elodie m’appelle ce soir pour un soutien de dernière minute sur la composition d’une analyse philosophique. (...)
Mercredi, je plaiderai ma cause devant Fr. G., promu directeur national de Galien : obtenir un paiement de 250 F brut par heure de séminaire donnée. Le travail de lecture de huit ouvrages et la préparation d’interventions sur des thèmes toujours nouveaux justifient bien ce statut tarifaire particulier.
La guerre ouverte entre Israël et Palestine éloigne un peu plus le processus de paix. La plaie du Proche-Orient mériterait un plus expéditif règlement.

Mardi 3 octobre, 1h30
Eu, hier soir au téléphone, Aurore que je vais probablement voir pour mes 31 ans, lors d’un passage à Paris le week-end prochain. Toujours dans son placard à Paris, un amour en Grèce et une voix adorable. Elle me fait réaliser que nous nous connaissons depuis dix ans. C’est fin 1990 que j’ai osé faire le tour d’une table où elle me faisait face, à la bibliothèque Cujas près de la Sorbonne, pour lui adresser la parole. Des chagrins et des angoisses devaient suivre, mais je ne regrette en rien d’avoir pu partager ces denses instants avec elle.

Vendredi 6 octobre
A trois heures du matin, trente et un cycles à ma denture. La trentaine va égrener ses années à vitesse fulgurante, mais l’angoisse de la mort ne s’insinuera pas, à moins qu’une maladie grave ne vienne me ronger. Pour l’instant, ma forme physique est olympienne.
Pour cet anniversaire, je fais une tournée expresse des pater-mater avec en prime des entrevues prévues avec Claire D. (très jolie minitellienne rencontrée l’année dernière), Aurore (mon premier amour) et Marianne D. de B. (voisine du dessous, au temps de la rue Mouffetard). Trois charmantes jeunes femmes pour trente et une bougies... mais à regarder seulement.
L’affaire du CRPE est tombée à l’eau. Mon inexpérience en matière d’école primaire a hypothéqué la proposition. J’ai tout de même sollicité une revalorisation du tarif horaire pour les séminaires de pharmacie et de médecine.
Journée décisive du pôple déchaîné en Yougoslavie. Prise du Parlement, de la télévision et ralliement de l’armée et de la police. Espérons que Milosévic ne connaisse pas le sordide sort qui avait été réservé aux Ceaucescu.
La tentative de rapprocher, à Paris, dirigeants israéliens et palestiniens a finalement échoué, au contraire de ce que laissait présager la déclaration un peu hâtive, quoique à une heure avancée de la nuit, du président Chirac qui annonçait « un pas considérable ». Sans doute un coup de fatigue...
C’est au tour de Clinton d’envoyer une invitation, aux deux ennemis, pour Washington. Ce processus de paix a tout d’une grossesse gazeuse avec pets intempestifs et meurtriers.

[E-mail à Claire D.]
Dimanche 8 octobre, 23h36
Objet : Merci chère Claire
Vraiment heureux d'avoir partagé ces instants en ta compagnie... un peu morose d'avoir dû rejoindre ma capitale des Gaules.
Toi qui sait déceler chez quelqu'un très vite ce qu'il pourrait être pour toi... pourrais-je avoir la primeur de ce que ma fréquentation t'a révélé,?
Tiens moi au courant de l'évolution de ta situation, et si tu as besoin d'une aide de quelque ordre que ce soit, tu peux compter sur moi.
Avec toute mon affection.

Lundi 9 octobre, 0h30
De retour des contrées lutéciennes surpeuplées. Je n’y ai point vu le pater qui a tout simplement repoussé ma venue. La lecture de mon Journal et les quelques pics qui lui étaient adressés ne lui ont pas plu, au point de ne pas avoir pu les digérer. La sacro-sainte image qu’il pensait sans doute voir émerger s’en est trouvée bousculée. Il doit m’écrire une lettre. A suivre.
De très agréables moments passés avec la ravissante Claire D. Son regard me trouble, mais je sais au fond qu’elle n’est pas faite pour moi : un caractère trop libéré dans son approche du couple. En amante elle doit être divine. Avant tout, ce qui m’importe c’est de faire s’épanouir un lien complice et durable avec elle.
Aurore allait bien : toujours touchant de la voir évoluer, prendre une mine plus femme.
En revanche, pas vu Marianne D... impossible à joindre pour fixer le rendez-vous.
Le Proche-Orient va-t-il nous offrir le lamentable spectacle de la première guerre du XXIe siècle ? La haine belliqueuse entre les Palestiniens et les Israéliens atteint une intensité dangereuse.

[E-mail à Heïm]
09.10 à 12h16
Objet : J’ai bien tout reçu
Cher Heïm,
Je te remercie pour l'e-mail et le petit message téléphonique.
Comment évoluent les douleurs dans tes mains ?
J'espère pouvoir venir bientôt pour me régaler avec toi.
Je t'embrasse très fort. (As-tu reçu mes propositions d'atténuation pour mon Journal ?)

[E-mail à Marianne D.]
09.10 à 12h20
Objet : Re : London-Paris
Chère Marianne,
Il est bien dommage que nous n'ayons pu nous voir. J'ai vainement essayé d'appeler de chez ma mère sur le portable que tu m'avais laissé, mais impossible d'établir une connexion.
Je suis même allé vers Bastille en début de soirée, mais il semblait impossible de pouvoir vous trouver.
J'espère que tout s'est bien passé pour toi.
J'espère à une prochaine fois.

[E-mail à Heleen D.]
09.10 à 12h26
Objet : Re : Happy Birthday !!!
Merci pour ton message ma chère Heleen,
Non, je n'ai pas encore reçu ta carte... mais j'en salive déjà.
Pour la semaine du 29 au 4 novembre, je n'ai pas de séminaire à donner pour l'institut Galien... donc je pourrais être plus disponible, même si je risque de devoir tout de même donner quelques cours particuliers (mais je n'ai pas de grosses préparations pour ces interventions).
J'ai fait un tour à Paris, vu ma maman et mes frères, mais pas mon père qui, après avoir lu mon Journal (que je lui avais envoyé par e-mail) n'a pas souhaité me voir... Les vérités le concernant, sous le mode pamphlétaire, ne lui ont sans doute pas plu. Il doit m'envoyer un courrier... et cela n'aura pas la douceur d'une carte d'anniversaire.

Mardi 10 octobre, 0h05
Vu le premier volet du documentaire fouillé consacré à Mitterrand. Le ton se veut résolument neutre, relatant les contrastes d’une vie, pour le moins extraordinaire, toute en touches feutrées, en suggestions d’antichambres opaques, avec quelques coups d’éclat d’à-propos. Son rôle, ses rôles devrais-je dire, dans la IVe République, tout comme à l’époque de Vichy, ont révélé (ou confirmé) l’ambivalence d’une attitude où l’intelligence de la situation prenait parfois le pas sur l’éthique requise.
Ce soir, reprise à partir de 1958 et de ses 23 ans d’opposition... ce qui valait bien quatorze années d’exercice (plus ou moins contrarié) du pouvoir présidentiel.
Premier séminaire donné dans un amphi de l’école d’infirmières aux étudiants en médecine de Grange-Blanche. Tour d’horizon des docteurs Faust, Knock et Pascal.

[E-mails à Claire D.]
10.10 à 11h19
Objet : Vagabondage
[Je dîne ce soir avec la personne qui est susceptible de me prêter son appart.]
Je croise donc les doigts pour toi... aie ! difficile à faire en virtuel.
J'ai moi donné mon premier séminaire aux étudiants en médecine dans un amphi de l'école d'infirmières : vagabondage entre les docteurs Faust, Pascal (de Zola) et Knock. J'ai pu faire un peu de rollers au parc de la Tête d'Or à Lyon avec du soleil et pas un chat (à écraser). Au fait, sais-tu en faire (j'espère ne pas t'avoir déjà posé la question, sinon je me liquéfie du bulbe !).
Sinon R.A.S. A bientôt.
A 23h28
Objet : Nuit de pleine lune
Un décor bien sage, avec un petit clin d'oeil à ta première paire de chaussures.
Je suis un peu anxieux aussi en pensant à ta soirée : pourvu que ça marche !!! A cette heure là (23 heures) tu dois le savoir.
Pour les rollers, si tu viens un jour à Lyon, il faudra les amener pour que l'on roule ensemble... héhé.
Je finis ma soirée devant le bout Dechavanne : thème poncif, ce soir ---) l'irrationnel, avec des témoins farfelus.
Voilà, ma chère Claire, avec une pensée pour toi. A bientôt.

[E-mails à Claire D.]
Mercredi 11 octobre à 12h16
Objet : Un rayon
[La soirée s’est bien passée. Il doit me laisser les clefs samedi, normalement.]
Voilà une nouvelle réjouissante en effet... Ce terrorisme nocturne risquait de t'atteindre dans ta santé. Cette location est-elle à durée déterminée ?
[Aujourd’hui, il fait un temps magnifique à Paris.]
Chacun son tour pour le temps : pour moi mélange de grisaille, de froideur, de pluie et de vent... à rester sous la couette. Je dois malheureusement aller délivrer quelques connaissances philosophiques à une charmante élève de terminale, puis enchaîner avec un séminaire pour les pharmacies : la science et l'information, l'eugénisme, l'euthanasie, la médecine au XVIIe... que des thèmes passionnants ne trouves-tu pas ?
En voilà un Lyonnais qui a de la chance !!!
Vas-tu avoir besoin d'un coup de main pour déménager tes quelques affaires ?
Je t’embrasse et à très vite.

A 23h41
Chère Claire,
[Mon départ me pose aussi des questions : comment vais-je vivre seule, serais-je malheureuse si je n’ai pas de nouvelles de lui ? Saurais-je ne pas lui en donner ?]
Je perçois un début de tourment intérieur dans tes interrogations, et j'espère que ce ne sera que passager et que cette installation sera signe de renaissance.
Je ne voudrais pas parasiter cette situation mais je te fais part de l'opportunité que j'ai : les parents de mon élève préférée doivent venir à Paris ce week-end et me proposaient, si j'en avais l'utilité, de m'associer à leur voyage.
Alors, voilà mes interrogations : souhaiterais-tu me voir, en aurais tu le temps, voudrais tu un coup de main, une cordiale compagnie pour aborder cette transition ?
Je t'embrasse et bon courage à toi.

[E-mail à Claire D.]
Jeudi 12 octobre à 12h37
Moi et mes gros caractères!!! Désolé de ce placardage en bleu vif !!!
Me voilà en Arial taille dix, bien plus incognito.
[En fait, je crois en y réfléchissant que je ne serai dispo ni dans ma tête ni en terme de timing.]
Je vais donc voir si je fais effectivement ce voyage, car il me faut trouver des amis à rencontrer. Tu peux bien sûr m'appeler quand tu le souhaites.
Le temps de la sédimentation me paraît une sage décision et profite bien de ta famille.
Moi, aujourd'hui, je reste chez moi pour m'occuper d'un rapport de lecture sur un ouvrage d'un parent d'élève... Presque fainéant en somme.
Je t'embrasse.

Dimanche 15 octobre
Finalement, le documentaire Mitterrand : le roman du pouvoir est bien complet ; même le faux attentat des jardins de l’Observatoire y est traité. Quelle existence multiforme ! Quel acharnement pour réaliser son ambition, quelle capacité à ne pas se laisser enterrer après un faux pas, parfois gravissime. Je ne fais décidément pas partie de cette catégorie d’individus. Chez moi, la mise en retrait devient une règle et le relationnel une incapacité (ou un manque de goût).
Tapie chez Ardisson, cette nuit. Il semble heureux dans l’univers des saltimbanques. En pull coloré, il n’a rien perdu de sa verve. Lui aussi, une sacrée pointure pour renaître de ses cendres : mais un changement de cap qui semble définitif.
Le conflit de 100 ans ?
Michel Boujenah nous a offert quelques minutes de lyrisme sérieux pour plaider en faveur de la paix dans le conflit israélo-arabe. Le Secrétaire général de l’ONU s’est d’ailleurs démené jusqu'à l’absurde pour arracher un accord de principe sur une rencontre, en Egypte, des deux têtes dirigeantes. Une énième réunion de perlimpinpin qui ne calmera pas les peuples, et notamment les Palestiniens. De surcroît, Arafat a ouvert son infecte boîte de Pandore : les plus dangereux islamistes prêts à l’attentat suicide ont recouvré la liberté.

[E-mail à Heleen D.]
Lundi 16 octobre
Ma chère Heleen,
J'ai bien eu ta carte et je t'en remercie...
Je viens de changer mon imprimante, la mienne a expiré (carte mère morte). La nouvelle, légère et petite, imprime du tonnerre !
Comment vas-tu et comment se passe ton travail ?
As-tu des précisions pour ton éventuel séjour ?
Je t'embrasse très fort.

[E-mail à Claire D.]
16.10
Ma chère Claire,
Comment s'est passé ton week-end et ce fameux déménagement ?
Es-tu enfin installée et te plais-tu dans cet appartement ?
J'espère avoir de bonnes nouvelles de toi.
Je t'embrasse et suis de tout coeur avec toi.

[E-mails à Claire D.]
Mardi 17 octobre à 9h47

[Samedi soir, nous sommes sortis avec Yves. Nous nous sommes couchés à trois heures ! Il me parle de vacances, de week-ends ensemble. En tout cas, il a été adorable.]
Voilà un retournement inattendu et que j'espère de bon augure. Alors de nouveau je fais un voeu...
Je ne suis finalement pas venu à Paris.
La marche va bien, mais je ne pense pas souvent à mettre mon podomètre sur le côté... En moyenne je dois tourner autour des 2 à 3 kilomètres quotidiens.
Pour ma part le week-end a été renfermé : temps de ch... à Lyon et personne à voir. J'ai pu avancer un rapport en cours sur un ouvrage. As-tu bien reçu le fichier de mon Journal ?
Ma néerlandaise préférée doit venir à Lyon pour une semaine de vacance du 28 octobre au 5 novembre.
Bonne continuation, alors, dans cette renaissance inespérée.
J'espère te revoir bientôt.

A 11h40
[Pourquoi renaissance ? Pourquoi retournement inattendu ? Je ne comprends pas. Qu’ai-je fait ou qu’ai-je dit ? C’est quoi ton voeux ?]
Bon, alors puisque je suis aussi elliptique, j'éclaire mes propos :
Renaissance de la possibilité d'une vie partagée entre toi et Yves.
Retournement inattendu, parce qu'il m'avait semblé que tu étais parvenue au point de non retour dans cette histoire qui t'éprouvait visiblement.
Mon voeu, c'est bien évidemment que ton histoire fonctionne, cette fois, pour de bon.
J'espère que tu ne me soupçonnes pas d'autres pensées... et que mes éclaircissements sont suffisamment limpides.
Je t'embrasse.

A 14h51
[Parce que tu crois vraiment qu’il serait possible que notre histoire renaisse ? Crois-tu que notre séparation physique soit une chance pour nous ?]
Je suis touché de ces interrogations que tu m'adresses, et je voudrais pouvoir t'apporter des réponses utiles.
Vos sentiments existent toujours et n'ont donc jamais été anéantis, mais plus vraisemblablement malmenés. Je crois que cette séparation physique aura le gros avantage (pour toi) de dissiper la pression quotidienne d'un rapport tourmenté. De là peut émaner (de son côté) la réelle envie de construire totalement avec toi. Ce manque de toi, que je peux facilement imaginer, aura peut-être raison de son égoïsme immédiat. C'est en tout cas la seule chose que nous pouvons espérer. De ton côté cette distance te permettra de savoir s'il est réellement l'élu, quoiqu'il arrive...
Voici ma réponse en attendant un élève qui vient se former au français.
Je t'embrasse. Avec toute mon amitié.

[E-mail à Heleen D.]
17.10 à 15h51
Ma chère Heleen,
Lapsus révélateur dans ton message : tu indiques ton arrivée pour le 28... août !!!
Ne t’attends pas à une météo de cette époque : grisaille et pluie te rappelleront plutôt ton pays... Le Rhône m’a semblé être encore dans son lit.
Je serai très heureux de te revoir... Tu as encore des amies néerlandaises, à Lyon, je crois.
Je t’embrasse bien fort.

[E-mails à Claire D.]
Mercredi 18 octobre à 8h49
Chère Claire,
Je ne suis malheureusement pas câblé et je ne pourrai donc pas voir mes divagations cinématographiques, qui ne doivent d'ailleurs être diffusées qu'en novembre, il me semble.
En nettoyant ma rubrique « éléments envoyés et reçus », j'ai trouvé trace de ton premier message le 19 novembre 1999. Par curiosité, j'ai regardé dans mon ancien agenda et j'ai retrouvé la date de notre première rencontre : le mardi 26 octobre 1999 à 12h15 au métro Convention !!! Tu vois, on va bientôt fêter nos un an !
Voilà, c'était ma rubrique nostalgie.
Je t'embrasse.

A 12h21
[Merci pour tes messages, je les aime beaucoup. (...) Tu vois je prends soin de moi.]
Voilà un touchant tour d'horizon Claire. Quelle belle sensibilité tu as.
Je crois effectivement qu'un emploi du temps amical chargé ne pourra que te faire du bien... surtout ne reste pas isolé. J'ai vécu cette situation par choix (et je le vis sans doute encore par exil géographique) et il faut un caractère très particulier pour supporter, voire apprécier, la solitude en tout.
Sur le sommeil, je suis moi dans une situation inverse : difficulté à m'endormir le soir, je dois attendre 1 ou 2 heures du matin pour me laisser glisser dans les songes. Alors profite de ce sommeil précoce, il est très certainement reconstructeur.
Pour moi, la vie s'écoule sans saillance particulière, si ce n'est le tourbillon des activités... Heïm m'a adressé un message très touchant, hier, en me disant de ne pas m'inquiéter, que mon ouvrage sortirait bientôt, mais que des douleurs dans les mains ralentissaient son travail. J'ai hâte de le voir publié...

Le samedi 28, je serai à Paris avec Heleen, venue des Pays Bas, mon frère Karl, sa petite amie et sa maman. Une façon de fêter nos anniversaires (Karl et moi sommes d'octobre) nous irons voir un spectacle sur Les Dix Commandements. Puis, retour à Lyon pour une semaine de douces retrouvailles... J'ai pris le moins de rendez-vous possible pour pouvoir me consacrer à elle... Je sais que cette histoire ne donnera rien à long terme, mais je crois qu'il faut prendre les doux et intenses instants qui s'offrent... Et c'est Heleen qui a insisté pour venir me voir (1000 km en voiture).
Voilà chère Claire, je vagabonde moi aussi et espère ne pas être trop saoulant, hé hé.
Je t'embrasse et espère te lire bien vite. Affectueuses pensées.

A 21h40
[Vu l’état psychologique d’Yves et les médicaments qu’il ingurgite contre le stress, l’anxiété et les insomnies, je comprends qu’il ne sache pas encore ce qu’il souhaite pour nous aujourd’hui.]
Puisque tu me demandes mon avis sur Yves, son état psychologique et tes hantises, voilà en gros ce qui me vient dans mon cogito embrumé :
D'abord il est bien légitime que tu aies ces peurs et cela ne fait que renforcer l'authenticité de tes sentiments pour lui. Tout ce que nous te suggérions (nous les lyonnais !!!) pour te divertir du manque n'aura dans un premier temps que peu d'emprise sur ces pensées, mais le temps fera son oeuvre calmante, apaisante, nivelante...
Je n'avais pas réalisé (à moins que te ne me l'aies pas dit avant) qu’Yves était miné par les psychotropes. C'est un paramètre effectivement essentiel pour comprendre son attitude vis-à-vis de toi, mais la question qui s'impose : la cause profonde de cette prise est-elle directement liée à votre rapport ou à sa propre personne ?
Je crois, en tout cas, sage sa décision de ne rien décider avant de s'être affranchi de cette détestable chimie parasitante. Une fois désintoxiqué il sera toujours temps de faire le point et de repartir pour une plus claire (en relisant je m'aperçois du joli jeu de mot involontaire) aventure.
Depuis quelques temps, ce n'est pas la lecture qui modèle mes derniers instants avant de rejoindre Morphée-polochon, mais l'écriture : l'oeil près des feuilles de mon cahier-Journal, je regarde ma plume glisser sur les petits carreaux, extraire sa noire pour donner forme à mes pensées les plus brutes... Derniers instants réflexifs dont j'ai souvent oublié la teneur le lendemain matin : c'est comme une purge de ce qui a été emmagasiné la journée. Parfois anodine, parfois terrible.
Tout compte fait, je ne sais pas si j'ai bien fait de t'adresser les années 98 et 99 de mon Journal étant donné leur parfois sombre tonalité... ce n'est peut-être pas le moment.
[Peut-on dire qu’il y ait une belle sensibilité et une moins belle ?]
Ce que j'entends par belle sensibilité chez toi :
Sans doute une des choses qui m'a séduit chez toi et que j'ai décelée dès notre première rencontre. Au contraire d'une simple sensibilité féminine, qui parfois dérive vers la sensiblerie, voire la dramatisation hystérique, tu intègres une finesse d'approche des situations à un caractère affirmé, déterminé, qui rend plus belle la manifestation de tes sentiments et de tes analyses sur les choses.
C'est un peu comme une attitude aristocratique, au sens originel du terme.
Voilà chère Claire, j'espère avoir répondu à tout... Et je reste disponible pour tout approfondisse­ment... Mes plus denses pensées.
[E-mail à Heïm]
18.10 à 9h39
Cher Heïm,
J'ai bien eu ton message qui m'a beaucoup touché. Je ne m'inquiète pas pour mon ouvrage, mais plutôt pour ces douleurs qui parasitent ton existence. J'espère qu'un traitement sera à la hauteur.
Je t'embrasse très fort.

Jeudi 19 octobre
Depuis notre dernière entrevue parisienne, échange fourni d’e-mails avec la séduisante Claire D. Rencontrée fin octobre 1999 nos rapports se limitaient à d’épisodiques nouvelles données. Cette nouvelle tentative donne lieu, au contraire, à une forme de lien affectif. Atteinte psychologiquement par une rupture de vie sentimentale, alors que les sentiments subsistent, elle se nourrit de ce qui peut, dans son alentour amical, la soulager ou la divertir. Elle semble apprécier mes interventions écrites, m’embrassant « affectueusement » et réclamant mon avis sur tel ou tel point. Suite à sa demande, je lui ai envoyé par courrier électronique une partie de mon Gâchis (les années 91, 98 et 99) dont elle semble apprécier la tonalité.
Je suis très séduit par sa personnalité, par sa silhouette bien dessinée, par son
regard envoûtant, par sa chevelure de feu, par ses tenues aux hardiesses dosées, mais je suis aussi conscient de l’infinitésimale possibilité d’une histoire d’amour entre nous. Même si je ne devais être qu’un plus ou moins bref compagnon d’une route mal jalonnée, j’en serai ravi. Finalement n’être qu’un passage dans la vie de quelques centaines de personnes ayant compté dans une existence permet de ne laisser que le meilleur de ce qu’on pouvait offrir à tel ou tel, sans surcharger ce noyau dur de l’inutile pérennisation qui souvent étiole la densité première.
Sur Arte, vu d’un œil (l’autre fixé sur le message adressé à Claire) la biographie filmée du compositeur chef d’orchestre Léonard Berstein. Une vie de passion qui exhalait de toute sa personne et insufflait à chacun de ses actes une densité inégalable. La détermination à vivre ce pour quoi l’on se croit fait, permet seule d’accéder à un sens, à une utilité existentielle, même truffée d’erreurs, d’échecs et de voies sans issue.
Passage chez Elodie pour une prise de tête via un texte de Pascal sur la grandeur de l’homme à se connaître misérable. J’ai campé, avec le maximum de diplomatie affective, le rôle du pédagogue tyran ou de l’initiateur en philosophie. Toujours adorable et pétillante, toujours une dentition de fer pour mâcher le bois verni des crayons, elle me donne un rendez-vous à 16 heures gare de Vaise, jeudi prochain, pour que je l’accompagne dans son trajet de bus, avant une autre séance de cogitations embrumées, puis débridées.

[E-mail à Claire D.]
19.10 à 21h43
Les psychotropes recouvrent les neuroleptiques, les antidépresseurs, les tranquillisants et les thymorégulateurs.
Ce week-end tu pars donc visiter une amie ? Je te souhaite un séjour qui te détende au maximum.
[J’aime ton regard, il m’aide à avoir du recul sur ce que je vis.]
Je me sens un peu vide ce soir... une sorte d'hibernation intellectuelle... Je ne vais donc pas m’appesantir sur ce message, cela évitera les bêtises.
A bientôt.

Vendredi 20 octobre
Toujours dans ces prolongations de veille que je m’essaye à l’écriture. Au détour de quelques recherches dans ma petite pièce fourre-tout, je tombe sur mes photos de classe de la cinquième (82-83) à la terminale (87-88). Une curieuse impression de revoir des bouilles de camarades pour la plupart, sans doute, installés aujourd’hui.
Ce cher Christophe D., très tôt aux idées d’extrême droite, passionné par les voitures et avec qui l’on pouvait nourrir une conversation ; Stéphane D., un écorché vif à l’histoire familiale dramatique, mauvais élève ultrasensible et d’une intelligence développée ; Agnès C. aux origines chiliennes je crois, un peu ronde et dynamique, puis ayant perdu ses kilos mais pas sa gentillesse ; Marie-Pierre B., dont j’étais amoureux, à qui j’avais apporté des cours, alors qu’elle était malade, et qui m’avait reçu en pyjama dans sa chambrette.
Au lycée Aline L. bien sûr (dont je n’ai plus de nouvelles depuis son mariage) ; Cécile M., dont j’ai compris après coup qu’elle faisait plus que m’apprécier (c’est elle qui avait illustré mes poèmes parus dans le journal du lycée, Point Virgule) ; David Z., installé depuis aux Etats-Unis... Voilà les figures qui me restent, au-delà des simples lignes du visage.
Faudra-t-il que la solution au Proche-Orient passe par un laissez faire, c’est-à-dire ne plus tenter de médiation et les laisser s’entre-tuer jusqu’au bout, jusqu'à ce qu’ils comprennent l’absurdité de ces violences ou jusqu'à ce qu’un des deux camps ait anéanti l’autre ?

[E-mail à Claire D.]
20.10 à 21h43
[Que fais-tu de beau ce week-end ? J’espère que tu vas sortir un peu, histoire de
te changer les idées ! Que se passe-t-il soudainement dans ton cœur et dans ta tête ?]
Passager, passager cet avachissement... une nuit réparatrice m'a redonné un peu de ressort. Et toi comment évolue ton état psychologique ?
Pour moi, ce week-end n'annonce rien de véritablement transcendant côté distraction. Je vais peaufiner mon rapport sur L'amour selon sainte Albe, voir mon ex petite amie Sandrine pour un tour d'horizon des nouvelles et récupérer un trousseau de clefs (je lui laisse des doubles en cas de perte des miennes, car c'est idiot de les laisser chez soi !) pour Heleen. La demoiselle arrive samedi 28 à Paris, où je la retrouve. Pour le reste, repos, lecture corrective de mon Journal (toujours cette volonté de la perfection) et, s'il y a un rayon, petit tour au parc de la tête d'Or.
Coeur et tête sont un peu tiraillés par des contradictions en moi qu'il me faut surpasser.
Et toi comment entrevois-tu ce week-end avec ton amie Gaëlle ?
J'espère que nous nous reverrons bientôt. Ce lien m'est très précieux.
Je t'embrasse Claire.


Samedi 21 octobre
Internet pousse-t-il à la débauche ? Hier soir, il y a donc peu de minutes, je m’évertue à faire quelques recherches bibliographiques sur les sites de la BNF et de la Bibliothèque municipale de Lyon. Pour celui de la TGB, y compris Gallica, un message lapidaire abrège tout espoir : l’incendie d’une conduite électrique de réseau EDF, survenue le 6 octobre (mauvais cadeau pour moi), a nécessité la fermeture « pour une durée encore indéterminée ». Les services informatiques doivent bien sûr être compris dans le lot de l’inaccessible. Belle vitrine internationale de la conservation du patrimoine livresque français ! Le pamphlet L’effondrement de la TGB, paru dans la collection Encyclopédie des nuisances, avait vu juste. Le dernier des grands travaux mitterrandiens prend l’eau, et maintenant le feu, de toutes parts.
Pour le site lyonnais, après quelques minutes d’accès, toutes les pages demandées ne peuvent être affichées. Résultat : aucune investigation culturelle. En revanche, le site de cul AlA4 adulte fonctionne à la perfection.
Pas de nouvelles de Nathalie cette semaine. Peut-être croyait-elle que je recevais Heleen, à moins qu’elle ait rencontré le grand amour. Cela ne m’a pas manqué outre mesure. Signe qui ne trompe pas. Claire, elle, me manque, alors que nous n’avons que des relations affectives via courriels.

[E-mail à Claire D.]
Mardi 24 octobre à 10h03
[Nous avons accompagné mes parents samedi à l’aéroport. Ils partaient au Pérou.]
Le Pérou ! voilà une destination dépaysante. Ils [parents de Gaëlle] ont visité beaucoup de pays comme cela ? Pourquoi ce choix ?
Désolé pour la mort de ton chat... j'ai moi aussi eu quelques peines dans la perte d'animaux, notamment des chiens (bas rouges croisés bergers de Beauce) comme Ouarin, Tual...
[Et toi, ton week-end ?]
Mon week-end a été très ensoleillé et j'en ai donc profité au maximum... L'héliothérapie doit avoir du vrai, j'ai même sympathisé avec une Allemande, étudiante pour un trimestre à Lyon avant de repartir aux Etats-Unis (décidément, pas simple de rencontrer une lyonnaise à Lyon !)
[Yves semble aller de mieux en mieux. Il souhaite se reconstruire avant de restaurer notre vie. Est-il suffisamment sincère pour qu’à long terme il pense encore la même chose ?]
Difficile de se mettre dans la tête d'Yves pour jauger de sa sincérité. En tout cas, un bon signe : l'apaisement de part et d'autre et le fait que vous vous retrouviez pour le meilleur.
Danger, il y a, à vivre chacun de votre côté, mais c'est le prix à risquer pour une véritable reconstruction. Toi, te vois-tu le perdre réellement ?
Je me demande ce qu'est pour lui une vraie femme... il me semble que le moins mûr des deux ce n'est pas toi... la cause de votre séparation en atteste... Tu es déjà une vraie femme, et certainement beaucoup plus mature que nombre de ton âge... Là je ne souscris pas du tout à cette remarque. Il ne faut pas renverser les défauts respectifs.
[Des nouvelles concernant la publication de ton livre ?]
Mon ouvrage est toujours sur le gril, pas de date arrêtée pour la publication... j'en profite pour, lentement, faire une lecture corrective... mais sa publication m'a été confirmée... Juste une question de planning.
Bon courage pour ton travail chargé... De mon côté, j'ai eu confirmation de mes interventions à l'Université Lyon III début 2001 (à 99%) et, dès la semaine prochaine, je me charge de la culture générale quatre heures par semaine pour des BTS dans un organisme privé... Là, je retourne à la finalisation de mon rapport de lecture...
Bien heureux de ce moment écrit avec toi...
A bientôt, je t'embrasse.

Vendredi 27 octobre
Dans Pièce à conviction, sur France 3, de larges extraits de la fameuse cassette Mery. Rien de bien nouveau finalement, si ce n’est de pouvoir identifier plus spécifiquement certaines procédures frauduleuses et quelques interlocuteurs.
L’homme semble, en tout cas, parfaitement maîtriser la matière qu’il aborde. Il semble profondément blessé, dépité par les fausses promesses faites. S’il avait déballé cela en pleine élection présidentielle, Chirac n’aurait jamais été élu. Trahir des fraudeurs professionnels, des truqueurs de talent, peut sembler accessoire, sauf lorsque ceux qui trahissent veulent après faire croire à leur honnêteté.
Enfin quelques mesures vraiment répressives contre les automobilistes qui pratiquent une vitesse dangereuse. Quelques tarés du volant qui crient à l’anormalité. Un comble ! Ce qui est anormal, c’est de laisser des « criminels avec préméditation » (expression de Léon Bloy) potentiels sur les routes.

Samedi 28 octobre, 0h30
Revu cette semaine Isabelle M. pour la vacation à l’université Lyon III : cela se confirme, avec d’autres possibilités de collaboration en perspective. Par ailleurs, je commence dès la fin de semaine prochaine quatre heures hebdomadaire de formation à l’épreuve de culture générale des étudiants en formation par alternance en vue de l’obtention d’un bts du tertiaire. Une diversification de mes activités qui me sécurise un peu plus, même si toutes ces collaborations sont « à durée déterminée ».
Hier midi, déjeuner avec Jacques L., l’auteur de L’Amour selon Sainte Albe, pour la remise de mon rapport de lecture. Personnalité intéressante, écorchée mais très rationnelle : une vie professionnelle de cadre supérieur dans l’industrie et l’écriture comme un besoin vital depuis l’âge de 35 ans.
Ce matin, à 9 heures, départ pour Paris où je retrouve ma douce Heleen, Sally, Karl et son amie I. Journée distractive en perspective et soirée de retrouvailles charnelles avec ma néerlandaise. Ce soir, gros ménage chez moi pour pouvoir la recevoir dignement. La semaine qui vient sera vierge de tout rendez-vous, hormis ma première intervention pour les BTS à la société P et un cours via Acadomia samedi matin.
Les échanges d’e-mails avec Claire ont été quelque peu perturbés suite à des défaillances techniques. Elle semble aller de mieux en mieux.
Envoi d’une carte à Elodie F. pour ses 19 ans, dimanche prochain.

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