Mars/Avril

Mercredi 1er mars, entre minuit et 1h
Suivi mardi après-midi les questions d’actualité à l’Assemblée nationale. Jospin sur la sellette, après avoir été « caillassé » (selon son expression) lors de son passage en Palestine, s’est plutôt bien sorti de l’épreuve. Une force de conviction qui remit les attaques de l’opposition à leur piètre dimension. Entre autres arguments jospiniens de bon aloi : la référence à la période de cohabitation 86-88 avec J. Chirac dans le rôle de premier ministre et qui marcha bien plus souvent sur les plates-bandes de la politique étrangère sans rechigner à entrer en conflit avec le chef de l’Etat, le tacticien feu Fanfan Mité.
Juppé glissa malicieusement lors de sa question, presque tendre, qu’il avait l’expérience de gourderies comme ancien premier ministre et qu’il comprenait l’optique plus généralisante des réponses de Jospin.
Oublié ma réception d’une très gentille carte de Karine V. (que je croyais fâchée)
très émue par les voeux que je lui avais adressés. Par ailleurs, appel de Martine S. venant prendre de mes nouvelles. Mon relationnel à Paris était autrement plus dense que le désert lyonnais : cela vient-il de mon rapport aux autres qui a changé ou du caractère froid et impénétrable des lyonnais(es) dans leur majorité ? En tout cas, les quelques tentatives pour constituer ce relationnel par le biais professionnel (Institut Galien et Acadomia) ont échoué à chaque fois : nib, zob ! Et draguer en pleine rue ou dans les transports n’a jamais été mon truc... Alors, pendant que des myriades de couples se forment, je m’enlise dans ce célibat.

Samedi 4 mars, 0h15 env.
Je ne dois pas tarder à rejoindre ma petite mort, car journée très chargée en perspective, et néanmoins très agréable : 7h30 de cours particulier à quatre élèves. Deux heures consacrés à la technique du résumé d’un texte à Cécile P. (que je ne connais pas encore) ; deux heures de préparation à la synthèse de documents avec Vanessa D. (charmante chef d’entreprise) ; pour l’après-midi une heure trente de préparation à l’oral du bac de français pour mademoiselle Elo F. (une Cathou en plus fine) ; puis deux heures de philosophie à Valérie R. (que j’avais suivie en français l’année dernière, de délicieuse compagnie avec son faux air de la comédienne américaine lancée par Pretty Woman, oubli de son nom). Sitôt fait, je prends un train direction Rumilly pour retrouver Angela et ses copines en vue d’une soirée pétillante à Annecy. Densité rare, il me fallait l’inscrire.

Lundi 6 mars, 23h40
Une rareté : j’arrive à jeter quelques insipidités avant l’extinction de la journée.
Très agréable sortie nocturne à Annecy avec Angela et deux de ses copines. Pour
une fois, fréquentation des boîtes bien accompagné. Il faut croire que la fille attire la fille : le seul fait d’être entouré m’a mis sur la ligne de visée de quelques dragueuses plus ou moins allumées. Après ces défoulements tous azimuts, vers les six heures du matin, nous avons dormi, Angela et moi, chez sa copine Nadia avec qui j’ai partagé un agréable matin charnel. Avant mon départ, quelques pas autour du splendide lac ensoleillé.
Semaine encore très chargée et, vendredi, voyage express pour le château. Heïm est à l’hôpital du Val de Grâce pour de nouveaux examens approfondis et/ou un suivi de la situation. J’appellerai pour pouvoir passer ce vendredi ou dimanche avant mon retour.
Bruno M. passait sa thèse de médecine ce soir. Sandrine devait y assister. J’étais moi, malheureusement, retenu à Galien de 18 à 21 heures pour la colle donnée aux étudiants de Grange-Blanche.

Jeudi 9 mars, tout juste minuit
Vendredi, prise d’un tgv à 6 heures du matin pour un passage rapide au château. Dimanche, halte à Paris, avant le retour dans l’antre lyonnaise, visite au Val de Grâce pour visiter Heïm quelques heures.
Mon emploi du temps débordant ne me sert pas à gagner grand chose, juste de quoi survivre. Comment qualifier cette vie que je mène... insignifiante par son manque totale de construction : ni femme, ni famille, ni ambition. Ma trinité s’enlise dans l’anéantissement programmé.

Lundi 13 mars, 0h30 env.
Rentré ce soir du château après avoir passé une partie de l’après-midi au Val de Grâce pour voir Heïm. Séjour à l’hôpital notamment pour tester et mettre en place le traitement par l’insuline. Heïm a également acheté le Journal de Polac et s’est retrouvé dans quelques passages, par le style et le fond.
A propos de diariste, et pour flatter mon ego, pour une fois, Heïm, à qui j’ai déclaré toujours entretenir un lien avec l’écriture, serait a priori intéressé pour publier l’intégralité de mon Gâchis exemplaire de 1991 à 1999. A trente ans, j’aurais le rare privilège d’avoir le premier tome de mon Journal pamphlétaire édité. Je vais donc m’atteler à finir de le saisir (y compris les correspondances) et à le mettre en pages.

Mardi 14 mars, bientôt 2 heures du matin
Mon douillet isolement lyonnais a repris. L’objectif littéraire assigné me plaît bien. J’ai sélectionné quelques correspondances intéressantes à intégrer au Gâchis.

Le Strip-tease de France 3, émission diffusée malheureusement trop tard, présentait encore des figures bien sordides. Sans doute que chacun d’entre nous, saisi dans sa quotidienneté, paraît peu ragoûtant pour les autres. Je préfère de très loin ma solitude, même pesante, à tout embrigadement sentimental avec un être médiocre, à toute subordination professionnelle avilissante...

Samedi 18 mars, 2 heures du matin
Une surcharge de cours à donner qui n’augure pas des semaines de tout repos, à l’image de celle qui s’achève. Ce week-end, qui devra être érémitique, sera centré sur la correction des copies de Grange-Blanche, toujours en attente depuis une dizaine de jours.
Une première dans mes activités d’enseignement : la belle et longiligne Julie K. (qui a obtenu, après notre travail, un dix-huit sur vingt en commentaire littéraire) s’approche de moi, à mon arrivée, faisant mine de vouloir m’embrasser. Je commence à lui faire signe qu’elle se trompe (cela arrive par enthousiasme et plaisir de revoir quelqu’un) mais elle insiste. Je me laisse donc faire, un peu troublé ma foi pour débuter ce cours.
Passionnant de plonger dans les univers de ces élèves-jeunes femmes, par le biais d’une dualité d’un instant. Sentiment de partager un moment important alors qu’elles oublieront pour la plupart mon nom et mon visage. Revu la
pétillante et magnifique Elo F. que j’aurais peut-être le privilège de suivre en philosophie l’année prochaine.
Le miraculé Jospin, que le pouvoir a transfiguré au point de lui redonner une bouille regardable, sans yeux globuleux et bouffissures inquiétantes, est passé chez Big Média d’Arvor, les gonades étatiques bien gonflées, pour lustrer sa pilule et distribuer les baisses fiscales à tous vents. Peu enclin à le critiquer, je peux l’avouer.

Dimanche 19 mars, 0h30
Chouette samedi soir en reclus : correction des copies de Grange Blanche. Une plongée dans l’analphabétisme universitaire et dans l’inanité des raisonnements. Activité tout à fait recommandée pour mon humeur délétère. Et je dois poursuivre cette tâche au petit matin. Pire que du bénévolat, du masochisme !
Je me sens foncièrement étranger au monde et à ses actants paradeurs, paumés ou h.s., et, dans le même temps, je regrette à hurler de n’avoir pu déceler ou retenir celle qui aurait été mon absolue complice, ma source d’épanouissement. En traçant ces mots, les bruits de quelques pétasses-à-tirer remontent à ma mémoire, des rires de gorge qui s’imposent telles des vomissures malodorantes. Amertume dépitée ? Sans doute, mais c’est l’ultime moyen de me sauvegarder. Signe rassurant : je m’émerveille et m’enthousiasme toujours autant devant la féminité véritable.

Mardi 21 mars, 0h20
Semaine de folie pour les cours particuliers : du lundi au samedi 39 heures données, hors temps de déplacement, à 25 lieux différents. La période des examens approche et les demandes se font plus pressantes. La gestion du planning relève de plus en plus du jeu de construction miné.
Acadomia me réserve souvent les cas particuliers et les demandes atypiques : hier, premier cours donné à un garçon de 12 ans surdoué (polyglotte, sachant lire à 3 ans, très porté vers ce qui touche à la finance). Pour la maman, il ne fait aucun doute que son Arthur aura une brillante carrière internationale. L’objectif de mes interventions : lui faire découvrir, et si possible apprécier, la littérature française sans passer par une approche scolaire. Très bon contact. A suivre...
La tête à claques au(x) sourcil(s) (se rejoignant, le pluriel semble superflu) broussailleux se fait tirer l’oreille par Jospin, Ministre Ier.
Consacré un chouia de temps à continuer la mise en pages et les correction du Gâchis : près de 500 pages déjà rentrées sur ordinateur.

Dimanche 25 mars
Par le truchement administrativo-artificiel, il doit être un peu plus de trois heures du matin. L’heure d’été impose encore une fois ses deux heures de décalage avec le soleil.
Samedi soir passé à poursuivre les corrections pour les années 94 et 95. J’intégrerai quelques lettres ou mots importants.
Grande nouvelle annoncée par e-mail : Shue se marie le 9 septembre prochain à Monaco. Je suis invité à me mêler aux cent cinquante invités qui fêteront ces belles noces. La correspondance que nous entretenons par internet est des plus amicale et affective. La fidélité de notre lien m’illumine. Courant avril, j’irai passer un week-end prolongé chez elle à Paris pour l’aider à finaliser sa thèse.
Jospin s’apprête à chambouler son gouvernement aux prises, notamment, avec les revendications des « feignasses » de fonctionnaires, comme le tonitruerait Allègre (le « broussailleux » cité mardi). La tête de ce dernier, comme celles de l’effacé Sauter, de l’inconséquente Voynet (qui, enfin, pourra dégonfler) et de la masse Trautmann (gratuit, je sais, mais je jouis du peu qu’il me reste !) devraient disparaître du champ gouvernemental.
La Nadia d’Annecy, goûtée après une soirée en compagnie d’Angela, souhaite lire mon Journal. Aïe ! je l’ai prévenu du caractère éminemment violent et désespéré de son contenu. Ce ne sera pas le pétillant jeune homme qui se fait draguer par trois minettes au cours de la soirée, mais un ours retranché dans sa psychose maniaco-dépressive.

Mardi 28 mars, 0h20
Côté comédie du pouvoir, Jospin a cédé à l’ostracisme nécrosé des
fonctionnaires. Encore une réforme de l’enseignement qui tombe à l’eau, avec la tête, broussailleuse en l’espèce, de son initiateur. Le « remaniement gouvernemental », puisque c’est l’expression consacrée, a opéré quelques tours de passe-passe pour préparer un second souffle. De derrière les fagots, Jospin ne nous a pas vraiment sorti du neuf : le Fabius perché avec de sémillantes propositions de baisses d’impôts dans son bec au lieu et place de l’effacé Christian Sauter ; à l’éducation nationale, rien de moins que le dinosaure Lang, dont la détermination à gagner l’investiture socialiste, pour être candidat aux municipales de Paris, s’est dégonflée à la première petite hostilité de la salle. Cela promet un bon cul tendu dans ces quartiers ministériels, qu’il a d’ailleurs déjà fréquentés. Voilà un exemple d’opportunisme absolu : et il oserait encore (comme il l’avait fait avec Ruth Elkrief) reprocher aux journalistes de ne lui poser que des questions politiciennes sans aller au fond ! Le comble : son fond à lui s’arrête bien au-dessus du niveau de la mer, du côté de la girouette opportuniste.
Côté politique de la promotion : une émission assez distrayante de G. Durand (En direct ce soir) avec une belle brochette d’acteurs et de comédiens à l’occasion de la sortie du prochain film de Bertrand Blier.

Samedi 1er avril
0h20. Je prends ce matin à 7h36 un train pour Montpellier. Visite éclair à ma chère grand-mère, à ma mère et à Jean qui s’y trouvent depuis une semaine. Retour dès demain en voiture dans la capitale des Gaules que je leur ferai découvrir avec mon nid. A la gare, c’est mon oncle J.-L. B., pas vu depuis deux ans, et son amie M., qui m’attendront. Une brève entrevue familiale pour donner et prendre quelques nouvelles. Les vieillissements se poursuivent sans un très grand suivi de part et d’autre. J’espère que Fontès aura quelques rayons à m’offrir.
Satisfaction ce soir (hier soir plutôt) pour ma recherche de documents sur
Internet. Pour aider une de mes élèves, Carole H., à finaliser son exposé en philosophie sur l’expérience du Puy-de-Dôme de Blaise Pascal, je me propose d’aller à la quête des ouvrages concernés par ce sujet très ciblé. Le site Gallica, étonnamment accessible à une heure catholique, me permet d’avoir la préface intégrale du Traité du vide et l’édition originale numérisée d’un de ses écrits scientifiques. Malheureusement, sa lettre à son beau-frère Perrier est intégrée à l’œuvre complète et commentée de La Pléiade, donc non tombée dans le domaine public, et pour cette raison inaccessible par le net.
Drame absurde, et presque comique en cela : le premier militaire français mort au Kosovo l’a été par un collègue.

Mardi 4 avril, 0h30 env.
Fréquence Jazz pour fond sonore, je transite par les petits carreaux avant un court sommeil.
Le passage éclair à Fontès m’a permis de voir ma grand-mère, toujours adorable mais diminuée physiquement. Etaient présents : Jean, J.-L. et M. J’éprouve à chaque fois un pincement au cœur lorsqu’on raccompagne grand-mère à la maison de retraite. Le sentiment de percevoir dans ses yeux embués comme un adieu potentiel, comme s’il s’agissait à chaque entrevue de la dernière. Moi qui déprime si facilement, dans quel état serais-je lorsque le poids des années laissera se profiler une fin proche, immanente, prête à vous retirer du monde pour toujours ?
La correction du Gâchis se poursuit. Long et fastidieux travail de relecture, mais captivante plongée dans ces années de tourments : à la sûreté de soi succède l’effondrement lucide ou déjanté. Pour donner toute la dimension à ma relation avec Sandre, j’intégrerai dans l’année 92 les quelques lettres que je lui avais envoyées. Une complicité épistolaire à laquelle je mis fin par crainte de la voir dériver vers une autre nature. Curieux d’ailleurs de voir mon peu d’enclin à parler de Cathou durant cette année, au contraire de 1991 où son omniprésence est flagrante.
Reçu aujourd’hui les trois volumes commandés de l’œuvre complète de Charles de Gaulle. Même si je n’ai pas le temps de les lire pour l’instant (j’ai déjà beaucoup d’ouvrages entamés) j’apprécie d’être entouré des auteurs que je respecte. Leur rareté les rend d’autant plus essentiels.
Bientôt l’extinction du feu électrique. Je creuse, mais je ne trouve rien à exploiter en provenance de Big Média.

Mardi 11 avril
La surcharge de cours tous azimuts ne me laisse plus beaucoup de répit, et les vacances de Pâques s’annoncent pour moi comme une densification du labeur.
De mon nid lyonnais, je distingue le Crayon et sa pointe clignotante. France Info express de 23h53 confirme la grève TCL qui m’impose l’annulation de trois heures de cours pour demain. En espérant que cela ne dure pas plus d’un jour. Anachronique, à trente ans sans permis, je devrais dans ce cas sortir le vélo.
Petite anecdote : l’élève Carole H., que je suis en philosophie, avait un exposé à faire sur l’expérience du Puy-de-Dôme de Pascal. Je lui recherche sur Internet le contenu de quelques écrits du touche-à-tout en rapport avec cette expérience. Sa maman retrouve, elle, un vieil ouvrage scolaire de physique qui décrit l’expérience et m’apprend qu’un de leurs voisins (dans leur maison de campagne) était un descendant de Perrier, le réalisateur de l’expérimentation pour Pascal.
Je m’effondre sur mes carreaux... impossible de continuer. A noter tout de même la grotesque gonflette de ce que Big Média a baptisé de Nouvelle Economie, laquelle regroupe les « jeunes pousses » (Start up) axées dans le domaine d’Internet. L’écroulement des cours doit angoisser plus d’un jeune entrepreneur. J’ai déjà donné !

Jeudi 13 avril
Les journées défilent, tendues vers la réalisation des cours tous azimuts à donner. Le sens de mon existence s’amoindrit inexorablement. Seul subsiste, peut-être, et certainement de manière très parcellaire, ce témoignage abrupte.
Dès qu’un transport m’accorde quelque durée, je la mets à profit pour corriger les premières épreuves sorties du Gâchis exemplaire. Je pointe actuellement à l’année 1994. Je maquille les noms des personnes privées que j’attaque et laisse les initiales pour celles qui ne font pas l’objet de mes foudres. En revanche, tout ce qui relève de la personnalité publique est nommé sans détours.
Bientôt minuit et demain matin levé à 5h30 pour un programme surchargé, mais compensé par une succession d’élèves charmantes : Claire J., Elo F., Carole H., Marie-Clémence B. et Erwina B. Les vacances de Pâques ne s’annoncent pas plus reposantes. Je remplis mon agenda comme un puzzle complexe. Je me réserve cependant le week-end de Pâques (lundi compris) pour aller visiter ma très chère amie Shue. Peut-être mangerons-nous un soir avec Sally, Karl et sa petite amie. Notre rapport amical, avec mon iranienne préférée, certainement une des dernières vraies amies qu’il me reste, est des plus complices par e-mail.
Pour la fournée de Big Média, il me faudra l’analyser une prochaine fois.

Dimanche 16 avril, env. 1h du matin
Parmi les élèves que je suis, Elo F. est de loin la plus charmante
et celle avec qui s’est établie la plus agréable des complicités. Sise chez ses parents à Saint-Cyr au Mont d’Or, elle m’accueille avec un enthousiaste « Bonjour Monsieur Loïc ! », « Bonjour Mademoiselle Elo » je lui réponds aussitôt. Elle pourrait flotter dans un sac à patates que sa pétillante féminité transparaîtrait. L’heure et demie de mon intervention défile à toute allure, et dès que je le peux (lorsque mon emploi du temps me laisse une marge de manoeuvre ou que j’ai pu la placer en dernier cours) je fais du rab bénévolement, pour mon unique plaisir. A 18 ans, elle respire et exhale tout ce que j’aime chez une femme, mais je sens un caractère trempé... Je dois la voir à quatre reprises durant ces vacances de Pâques, et mardi je suis invité par la maman à rester déjeuner chez eux. Dommage que je ne sois que son professeur particulier. Le devoir avant tout.

Jeudi 20 avril, 23h
Demain soir, après une dernière journée de courses pour les cours, direction Paris pour rejoindre ma chère Shue. Trois jours en sa compagnie m’illuminent déjà.

Mardi 25 avril
Séjour fructueux et intense à Lutèce. Ma chère amie Shue m’accueille quai de Grenelle pour que je l’aide à corriger sa thèse. Sur quatre nuits, deux se déportent rue Saint-Louis en L'Isle, dans l’île Saint-Louis chez S., la nièce de Sally.
Quelques explications s’imposent. Arrivé vendredi soir, je file chez Shue qui me présente son futur mari, le sympathique John, un américain vivant en Allemagne. Le samedi soir, nous retrouvons au Totem, place du Trocadéro, Karl et son amie, Sally et sa nièce. Puis, sans Shue et son fiancé, nous allons mirer la pièce Le roi cerf d’un auteur italien du XVIIIe siècle, un peu actualisée sur une scène aux décors changeant automatiquement. Lors de cette représentation, et plus exactement au cours de l’entracte, nous conversons S. et moi, dans la plus pétillante harmonie. Elle me propose alors de la visiter le dimanche soir pour qu’elle me montre son travail de photographe...

[E-mail à Shue]
Jeudi 27 avril
Objet : De Lyon à Genève, c’est noté !!!
Et moi ma chère Shue,
Quel plaisir d'avoir pu passer ces deux jours en votre compagnie. J'ai énormément apprécié John est très attachant et vous allez très bien ensemble.
J'ai noté votre séjour à Genève, et je devrais être présent... Vendredi y serez vous le soir ou le matin ?
Je n'ai pas eu un instant pour appeler l'hôtel... Cette semaine a été du délire concentré !!!
A très bientôt. Je vous embrasse. Loïc.

Vendredi 28 avril, 0h30 env.
Totalement bâclée la tenue de ce Journal. Le remplissage trop dense ne me laisse plus assez de temps lucide. Je m’écroule lamentablement sur ma page sitôt le début d’un périple ou d’une villégiature narrés.
Pour revenir à mon séjour parisien : les deux entrevues en tête-à-tête avec S. n’ont pas manqué d’attraits. Le dimanche soir, elle m’avait concocté un charmant repas dans son petit appartement de l’île Saint-Louis (quel lieu agréable, avec un côté village, sans cette frénétique circulation). Après quelques détours vers ses albums de photos, je suis invité à rester dormir chez elle.
Douce découverte charnelle de cette blonde aux origines corses, d’une peau blanche et à l’intimité aux saveurs délicates. Nous renouvellerons le rapprochement un degré au-dessus le lundi soir. Je la rejoins dans son antre à minuit et demi après un passage chez mon père le midi et la poursuite du défrichage de la thèse de Shue. Des seins superbes, mais sans doute siliconés...
Je l’apprécie beaucoup, mais je ne souhaite pas me lier plus intensément. J’espère que sa posture d’indépendante célibataire lui suggérera le même état d’esprit. En arrière pensée mesquine : trouver une lyonnaise pour ne pas avoir toutes les contraintes de la distance. J’ai déjà donné !
Ma complicité pédagogico-affective avec Elo semble se confirmer. A nouveau invité à partager le déjeuner de la famille hier midi, je suis convié dimanche prochain à m’associer au barbecue organisé par la sœur aînée : Elo sera évidemment présente et une dizaine de leurs amis.
Nos rapports de pédagogue à élève n’ont plus rien de l’empesée réserve, bien que le vouvoiement persiste. Elle semble très réceptive à mon humour (sa présence m’inspire pour le pétillement) et nous truffons nos études de textes
littéraires par diverses digressions. Si elle n’était si jeune ou moi si croûton... j’exagère sans doute, certainement même : de 18 à 30 ans, cela reste très modeste comparé au 60-22 de Polac (cf son Journal). Différence de taille tout de même : si quelque chose devait exister entre Elo et moi, ce serait de l’ordre d’une vraie relation et non d’une passade. Je me sens potentiellement amoureux d’elle.
Avec mon voyage à Paris, j’ai relancé ma lecture de Polac. Beaucoup de correspondances avec mon Gâchis exemplaire. Je regrette cet aspect survolé que donne la sélection de passages. L’unité donnée par le fil de la vie n’existe plus.
Tchernobyl et son drame absolu refait parler de lui : l’augmentation des cancers de la thyroïde est-elle liée au passage du nuage radioactif ? Pasqua, Barzach et le pauvre Carignon, alors ministres en charge de l’Intérieur, de la santé et de l’environnement, risquent la Haute Cour de la République pour leur négligence. A suivre...

Samedi 29 avril naissant
Lors de l’étude de la Lettre à Minécée avec ma charmante étudiante Valérie R., découverte du même procédé de dénigrement déformant utilisé par la chrétienté
envers l’épicurisme comme les révolutionnaires de 1789 à l’égard de l’aristocratie. Pour mieux asseoir son autorité sur les fidèles, le christianisme moyenâgeux va colporter l’image d’un Epicure assoiffé de jouissances amorales. En réalité l’anti-stoïcisme veut redonner à chacun la faculté de diriger sa propre existence sans l’obsession castratrice engendrée par une ou des entité(s) divine(s) à la tutelle jugeante et à la sanction terrorisante. Epicure n’oublie pas pour autant les vertus de la sagesse, mais une sagesse dégagée des manipulateurs de la multitude bernée. Ses conceptions sur la mort et l’univers sont d’un modernisme saisissant. Par ses critiques, il répondait, au IIIe s. av. j.-c., aux dérives intégristes du christianisme, à son bien et à son mal imposés et à la remise de son destin spirituel au grand Manitou-Dieu érigé par les potentats du dogme pour mieux brider les ouailles fidèles. Un visionnaire, en somme. Epicure et Nietzsche, voilà deux esprits qui me comblent.
Très jolie réussite mélodique du dernier Daho. Moi qui achète si peu de chanteurs français, je n’ai pu résister à la belle harmonie paroles-musique de son brasier. La patte reste la même tout au long de l’album. Un doux plaisir guimauve pour moi. Ces Bashung, Daho and Cie (une coquille vide le and Cie, aucun autre nom ne me revient) je les ai entendu débuter lors de mes fantastiques années au château d’O. Chacun a bien vieilli et affirmé son style alors que moi, jeune croûton scribouilleur, je noircis en vrac ces carreaux.
Sur conseil de Bruno M., achat du Terrorisme intellectuel de Jean Sévilla paru chez Perrin. Xième livre que je vais commencer en parallèle aux autres. Certains, comme le tome XIII du Journal littéraire de Léautaud en sont dans leur cinquième année de ma lecture. C’est de la dégustation suprême à ce point.

Dimanche 30 avril, 6h15
La rue Vauban ne manque pas d’animations dramatiques. Il y a quelques mois, un incendie perturbait ma nuit et ce matin, ce qui aurait dû me permettre une mini-grasse me sort du lit après un bruit de choc conséquent. Presqu’à l’angle de la rue Garibaldi et de ma rue, rencontre bruyante entre un véhicule utilitaire et la carcasse d’un bougre. Le gars semble, de loin, hébété. J’appelle le commissariat des troisième et sixième arrondissements, mais ils sont déjà au courant.
Soirée improvisée du samedi avec Florence P. : cinéma puis restaurant italien. Malgré une intoxication alimentaire quelques jours plus tôt, elle resplendit. Son voyage en Afrique du Sud, chez son amoureux Martin, ne lui a donné que des satisfactions. En septembre prochain, exil à Londres où ils s’installent. Notre très agréable soirée s’est épicée de quelques grands éclats de rire. Une complicité amicale qui confirme tout le bien que je pense d’elle. Mon projet de publication a semblé l’intéresser vivement.
Grand dimanche pour moi : je dois retrouver Elo, sa sœur et leurs amis dans leur antre verdoyante sur les hauteurs de Saint-Cyr (à mi-chemin du sommet). Peut-être une journée clef dans la tournure de notre lien (amical, affectif ou... plus si je rêvais).

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